Jean-Christophe Lie devient chef animateur pour « La tortue rouge »

Image extraite du film La tortue rouge.
© 2016 Studio Ghibli – Wild Bunch – Why Not Productions – Arte France Cinéma – CN4 Productions – Belvision – Nippon Television Network – Dentsu – Hakuhodo DYMP – Walt Disney Japan – Mitsubishi – Toho / Propos recueillis par Bernard Génin.

Animateur sur Le Bossu de Notre Dame (1996), Tarzan (1999), Les Triplettes de Belleville (2003), puis réalisateur du long métrage Zarafa (2012), Jean-Christophe Lie obtient son premier poste de chef animateur sur La tortue rouge.

Quel a été votre premier contact avec l’œuvre de Michael Dudok de Wit ?

C’était la projection du Moine et le Poisson, à Annecy en 1995 ! Je sortais de l’école des Gobelins et j’ai tout de suite voté pour lui pour le Prix du Public !

Vous ignoriez que, vingt ans plus tard, il dirait de vous que vous êtes « un des piliers » de son premier long métrage. Comment l’avez-vous rencontré ?

A Paris, au studio Prima Linea. Alors que je finissais mon long métrage Zarafa, il faisait des tests de compositing pour le sien. Je lui ai aussitôt dit que j’étais partant sur son projet. Et j’ai effectivement eu la chance d’y participer, d’abord comme animateur puis, au bout d’une dizaine de mois, comme directeur de l’animation.

Sur quelle base travaillez-vous ?

Michael avait dessiné un storyboard sur papier et réalisé une animatique. Quand a commencé la production, on est passé sur des tables Cintiq, une technique à laquelle il n’était pas encore formé. On dessine sur des tables graphiques avec un stylet et on voit directement le résultat sur écran, avec la possibilité de modifier en permanence son travail. Très vite, il n’a plus eu le temps de dessiner ni d’animer. Son travail consistait à nous guider, à améliorer le film en permanence. Les échanges entre lui et les animateurs étaient constants, il est sans doute un des plus grands perfectionnistes que j’aie rencontrés. Mais il écoute l’avis des autres et c’est très stimulant. Les discussions étaient longues et passionnantes.

Combien de temps a duré la production ?

Michael s’est imposé dès le départ le rythme de travail qui lui convient. En général, la production d’un long métrage demande une dizaine de mois, mais Prima Linea avait d’emblée suggéré une équipe d’animateurs réduite – une douzaine – sur une période de travail beaucoup plus longue, presque deux ans. Une des premières étapes, a été le layout des décors sur papier sur lequel Michael est intervenu. Puis le layout posing -les personnages- qui s’est fait sur Cintiq.

Image extraite du film La tortue rouge.
© 2016 Studio Ghibli – Wild Bunch – Why Not Productions – Arte France Cinéma – CN4 Productions – Belvision – Nippon Television Network – Dentsu – Hakuhodo DYMP – Walt Disney Japan – Mitsubishi – Toho / Propos recueillis par Bernard Génin.

Comment ont été conçus les décors ?

Ils étaient dessinés au fusain sur papier par une équipe spéciale, puis scannés pour obtenir des valeurs en noir et blanc, avec ensuite une intégration de couleurs par Photoshop. A la fin, tout est mixé pour obtenir des effets de lumière et d’ombres.

Dès le début, on voit surgir une vague gigantesque, un raz de marée… Comment travaille-t-on ce genre de scènes ?

Avec énormément de documentation vidéo, des images de tsunami, de tempêtes, mais aussi de surf… Je travaillais surtout sur les personnages, mais une dizaine d’animateurs étaient sur les effets spéciaux : les vagues, le ressac. C’est très long à faire, avec des détails qu’on voit à peine, mais qui ont donné au film toute son ambiance.

Le feu, la fumée, c’est du numérique ?

La fumée, oui, mais pas le feu. A l’origine, dans le squelette, c’est de l’animation au trait sur Cintiq, comme les personnages. Ensuite, avec des effets de transparence, la phase du compositing ajoute la couleur. La 3D numérique a été utilisée pour deux éléments : la tortue et le radeau. Ils ont été numérisés et, dans les séquences où il y a interaction avec un personnage, l’animateur 3D travaillait de concert avec l’animateur 2D. J’avais une scène où l’homme tombe dans l’eau et s’échappe en nageant, poursuivi par la tortue. A l’image, j’avais vraiment une tortue en volume 3D mais, par la suite, chaque dessin est retracé pour obtenir un rendu 2D. Même chose pour le radeau, d’abord numérisé puis retracé image par image. Là où les animateurs ont souffert, c’est sur les ombres portées qui épousaient la rondeur de chaque bambou et qu’il fallait animer de façon manuelle.

Quel est pour vous le sujet du film ?

Le cycle de la vie, raconté de manière très pudique et naturelle. Avec une composante d’amour mais aussi un soupçon de cruauté. Voyez la scène du crabe rejeté par l’enfant mais aussitôt happé par un oiseau. Cela dit tout d’une destinée…

Qu’est-ce qui a été le plus difficile ? Tout ?

Bien sûr : sur ce genre de film, on a du mal à valider un plan. On n’était pas du tout dans « le premier jet est le bon ». On était dans le recul, l’envie de retravailler en permanence… Ajouter des détails à foison, c’est peut-être spectaculaire, mais c’est une facilité quelque part. Ici, on allait vers toujours plus d’épure. C’était difficile, mais en même temps, par rapport à la beauté journalière des images qui arrivaient, ce n’était pas pénible du tout. Quand on sent, dès la lecture de l’animatique, qu’un film de toute beauté est en train de naître, on accepte toutes les difficultés.

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