Deux cinéastes au service d’une comédie adolescente déjantée

Image extraite du film 15 ans et demi.
© 2008 Gaumont 

Après La Beuze et Les onzes commandements, les réalisateurs Thomas Sorriaux et François Desagnat réunissent leurs talents pour s’essayer à un nouveau genre, la comédie familiale, avec la réalisation de 15 ans et demi.

Comment le projet est-il né ?

François : « Il y a des années, à nos tout débuts, Thomas et moi avions fait un court métrage. Peu après, on nous a proposé de réaliser LA BEUZE. Nous en étions très contents, mais à l’époque nous n’étions pas vraiment dans une dynamique de long métrage. Nous espérions plutôt faire un second court, développer notre travail dans la pub, ou écrire un scénario. Tout est allé très vite et cette proposition a été une révolution pour nous. On a enchaîné avec LES ONZE COMMANDEMENTS, un projet complètement hybride, et ensuite nous nous sommes retrouvés comme à nos débuts, avec l’intention d’écrire enfin et de développer nos projets. Nos envies de films étaient très diverses et souvent très différentes de nos deux premiers films. »

Thomas : « C’est à cette époque que Vincent Ravalec nous a proposé deux textes courts dont il pensait pouvoir tirer des films. Il y avait d’une part « Ma fille a quatorze ans », une chronique assez simple d’un père qui se retrouve obligé de s’occuper de son enfant suite au départ de la mère pour trois mois. L’autre texte, Papa zéro défaut, était une nouvelle un peu kafkaïenne sur une famille qui oblige le père à aller faire un stage de rééducation dans un centre absurde animé par une sorte de gourou, Jean- Maxence. Les deux textes nous ont beaucoup fait rire. Plus que les péripéties dont notre scénario s’éloigne finalement, le ton drôle, cynique, à la fois un petit peu noir et bon enfant, nous a particulièrement plu. L’histoire de stage nous a vraiment fait rire et nous ne voulions surtout pas nous en priver. Ces sujets sont venus s’ajouter à ceux que nous étions prêts à réaliser. Nous avons alors rencontré Patrice Ledoux qui, parmi tous les projets que nous avions développés, a été tenté par celui-là. »

Pour développer votre intrigue, vous êtes-vous inspirés de ce dont vous avez été témoins autour de vous ?

Thomas : « Nous avons surtout essayé d’étudier l’univers des ados. C’est l’univers sur lequel nous avions le plus de lacunes. Nous pensions être en phase avec les jeunes et nous nous sommes aperçus que nous étions des vieux cons ! Chaque génération a son vocabulaire, ses codes, et nous voulions être réalistes sur ces points. Côté père, notre seule inspiration sera venue de Ravalec. Les deux papas de ses histoires se ressemblaient un peu et lui ressemblaient beaucoup. Il n’a pas été difficile de les fusionner. Au moment de l’écriture, quelques papas d’ados nous ont également donné leur avis spontanément. J’ai le sentiment que nous nous sommes aussi inconsciemment inspirés de la fiction, de personnages emblématiques de la comédie américaine comme Steve Martin dans TREIZE A LA DOUZAINE ou LE PÈRE DE LA MARIEE. »

Image extraite du film 15 ans et demi.
© 2008 Gaumont 

Pourquoi travaillez-vous à deux, et comment fonctionnez-vous ?

François : « Au début, nous avons travaillé à deux par hasard. C’est ensuite que nous avons choisi de continuer. Entre nous, il n’y a pas vraiment de répartition des tâches et même si nous sommes le plus souvent sur la même longueur d’onde, nous discutons beaucoup pour être cohérents vis-à-vis de nos interlocuteurs. Avec le temps, cet accord est plus immédiat. Chacun sait ce qui est important pour l’autre. »

Thomas : « Travailler ensemble permet à nos deux cerveaux de réagir l’un à l’autre. Le brassage d’idées est plus intense, on jongle avec deux univers au lieu d’un. On est deux à porter le film et l’émulation permet de multiplier les idées tout en divisant la pression. Un jour, nous ferons sûrement des films chacun de notre côté, mais nous espérons garder la faculté de collaborer. Au final, c’est plus de liberté. »

Vous souvenez-vous de la première scène tournée entre Daniel et Juliette ?

Thomas : « Nous avons commencé par une scène qui symbolise une bonne partie de leurs rapports : celle où Eglantine demande à son père la permission d’organiser une fête. Nous n’étions pas inquiets, nous les avions vus fonctionner pendant les lectures et nous savions qu’ils allaient être bien. Leur premier tête-à-tête a été magique. Ils ont tout de suite été dans le ton que nous espérions. »

Comment s’est déroulé le tournage ?

François : « Nous avons tourné sur dix semaines. Même si le rythme était soutenu, nous n’avions pas le choix car Daniel ne disposait que de huit semaines. Avant son arrivée, nous avons commencé le tournage avec les ados, ce qui a donné une ambiance assez drôle, proche de la colonie de vacances. Daniel est arrivé pour tourner les scènes du stage. Et ensuite nous nous sommes installés dans la maison, entièrement redécorée, où plus de la moitié du tournage s’est déroulé. Nous avons terminé le tournage avec la rave qui a été tournée dans le Vexin avec trois cents figurants ensuite multipliés par informatique ! »

Thomas : « Nous avons essayé de faire un tournage à l’image du film, léger et drôle. Un jour, alors que la presse devait venir sur le plateau, nous avions donné comme consigne à l’équipe « tenue correcte exigée ». Nous sommes arrivés en costard et toute l’équipe a suivi. Même les machinos portaient une cravate ! »

D’où viennent ces vignettes délirantes qui émaillent tout le film ?

Thomas : « Quand Vincent Ravalec est venu nous apporter ses textes, il nous a dit qu’il nous les proposait parce qu’il avait vu LA BEUZE, qui avait lui aussi un côté vignette. C’est lui qui nous en a parlé, mais je crois que nous y serions venus naturellement. »

François : « Nous cherchions une cohérence entre toutes ces visions très éclectiques, alors nous avons imaginé le personnage de Daniel comme un cinéphile et ses visions sont autant d’hommages à quelques grands classiques comme LA MAIN AU COLLET, FRANKENSTEIN, BARRY LYNDON, que nous avons joyeusement revisités… »

Vous reste-t-il un souvenir particulier de ce film ?

François : « Je pense à la scène où le père de Juliette refuse qu’elle aille à la rave. Lorsque Juliette argumente, nous lui avions demandé de ne pas être en colère, mais triste et déçue. Elle refusait de pleurer. Elle était sur la retenue. Elle est en gros plan, elle a du mal à parler. Face à Daniel, inflexible dans son rôle, elle parle avec une boule dans la gorge. Et on a vu son regard s’embuer. A la dernière seconde du plan, une larme a coulé sur sa joue, juste à ce moment magique où elle part. Quand j’ai vu cela, je me suis demandé si je n’avais pas rêvé. C’était un petit miracle, jamais on n’aurait pu l’avoir ainsi même si on l’avait écrit et truqué. C’était un moment simple et fort… »

Thomas : « C’est effectivement un des moments les plus marquants du tournage. Je me souviens aussi de la première fois où nous avons rencontré Daniel Auteuil. Nous étions dans un restaurant des Champs-Elysées, il nous parlait de notre scénario avec précision, il l’avait vraiment lu et y avait bien réfléchi. Je ne pouvais pas m’empêcher de me pincer pour y croire. Nous étions comme des gamins, fous de joie qu’un acteur de son envergure que nous admirons tellement décide de faire un bout de chemin avec nous. En sortant, nous nous sommes dit que nous devions savourer ce moment aussi unique que surréaliste ! »

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