Jamel Debbouze offre à Mélissa Theuriau son premier rôle au cinéma

Image extrait du film Pourquoi j'ai pas mangé mon père ?
© 2015 – PATHÉ PRODUCTION – BORÉALES – KISSFILMS – M6 FILMS – PATHÉ DISTRIBUTION – UMÉDIA– CATTLEYA

Mélissa Theuriau s’exprime à travers cette interview en tant qu’interprète du personnage Lucy dans Pourquoi j’ai pas mangé mon père.

Quelle est, selon vous, la grande différence entre le livre de Roy Lewis et l’adaptation imaginée par Jamel ?

Il me semble que Jamel a un peu transformé la vision pessimiste de Roy Lewis. Ce qu’il a voulu exprimer à sa façon, à travers le rire, c’est que du chaos fleurit l’espoir, que du rejet peuvent naître la curiosité et l’envie de s’en sortir. Chacun peut trouver sa place. Autant de messages qui ont du sens.

POURQUOI J’AI PAS MANGÉ MON PÈRE : la différence de titre est-elle d’ailleurs un message en elle-même ?

J’adore ce titre. Il exprime le refus de tout accepter, docilement, comme des moutons : « moi, je ne mange pas mon père. » Il dit l’envie d’aller contre l’inexorable, de se rebeller, de trouver d’autres moyens d’avancer pour être plus heureux, plus libres et de se respecter d’avantage les uns les autres.

Pour quelles raisons avez-vous accepté de tenir le rôle de Lucy qui est une révélation pour Edouard puisqu’en la voyant il invente tout simplement l’amour, bel hommage à votre couple d’ailleurs ?

En tous cas cela a été fort à tourner. Ce projet est entré dans notre maison il y a des années. Nous avons beaucoup échangé. Je connaissais bien Lucy à force de faire répéter le rôle d’Edouard à Jamel. Mais ni dans sa tête, ni dans la mienne il n’était question que je puisse l’incarner. Quand il a commencé à faire passer des castings pour le rôle, j’avais hâte de connaitre celle qui l’incarnerait. À force de ne pas la trouver, c’est moi qui me suis lancée. Un jour que nous répétions, en mimant nos personnages simiens, Jamel s’est brusquement figé et il m’a dit : « mais, c’est toi Lucy ». Nous avons ri et puis finalement j’ai osé tenter. Je présentais encore Zone interdite, j’étais enceinte, qu’importe, Lucy était un fabuleux personnage. Je suis allée passer les essais, en me disant qu’au moins j’aurais essayé.

Cette envie de jouer est-elle née au moment de la préparation du film ou bien datait-elle de plus longtemps ?

L’envie de jouer, au théâtre notamment, remonte à l’époque de l’École de journalisme à Echirolles. Nous avions un professeur génial qui s’appelait André Targe, dramaturge et cinéaste, dont j’adorais les cours. Je faisais partie des élèves un peu dissipés à qui il s’en prenait régulièrement. Un jour pour regagner sa considération, j’ai osé jouer un texte devant l’amphi. J’ai gagné ses encouragements et sa confiance. Il m’a beaucoup poussée à m’investir dans cette voie. Ce moment vécu à 22 ans je ne l’avais jamais oublié. L’envie était restée. Elle a ressurgi.

Avec la performance capture, ce n’est pas exactement vous à l’écran. Est-ce que ça a participé de votre décision ?

Cela m’a aidé à franchir le pas, oui. Désinhibée totalement aussi. Et puis il n’y avait pas de rushes à voir, donc pas d’occasion de se regarder, de douter. Nous étions tous, dans nos combinaisons en lycra, logés à la même enseigne. La seule chose qui comptait c’était l’énergie, l’engagement et puis l’exigence de Jamel qui pouvait nous demander de refaire la même scène jusqu’à deux heures du matin tant que le moindre détail de mouvement ou d’expression n’était pas conforme à ses souhaits. Chaque partie de notre corps devait bouger à la manière d’un singe, le plus petit relâchement était visible.

Quelles étaient les contraintes de jeu liées à la technologie de la performance capture ?

Nous avons démarré au printemps quand il commençait à faire très beau, mais nous passions nos journées dans l’obscurité de l’immense plateau à Stains. Il faisait 30°, nous étions engoncés dans nos combinaisons. Chaque matin il fallait quarante minutes pour installer la batterie de capteurs qui nous recouvraient le corps et le visage. Le moindre mouvement effectué avant que le moteur soit demandé faisait bugger toutes les caméras allumées et, en gros, ruinait le travail de trente techniciens spécialisés dans la motion capture. Une des difficultés liée à cette technologie résidait également dans l’interdiction totale de toucher son partenaire car le moindre contact annule la prise. Compliqué pour jouer le combat ou même l’amour. Vous devez frapper l’autre sans l’effleurer, vous blottir dans des bras sans y être vraiment. Je me souviens que Jamel m’a dit à la fin du tournage : « après ça, tu peux tout jouer. »

Image extrait du film Pourquoi j'ai pas mangé mon père ?
© 2015 – PATHÉ PRODUCTION – BORÉALES – KISSFILMS – M6 FILMS – PATHÉ DISTRIBUTION – UMÉDIA– CATTLEYA

Il dit aussi de cette technologie qu’elle libère le jeu de acteurs. L’avez-vous ressenti ?

Je n’ai pas de point de comparaison avec d’autre formes de tournages. Ce que j’ai pu apprécier, c’est la longueur des prises. Quand vous tournez pendant dix, quinze minutes sans être coupé, il me semble que vous avez l’opportunité de vous oublier. Après un quart d’heure de rage ou de course-poursuite jouées à 120 %, je n’étais plus Mélissa, je devenais Lucy.

Vous êtes vous préparé physiquement ? 

J’ai accouché quelques temps avant que le tournage commence, il a donc fallu que je me remette en forme très vite. J’ai beaucoup couru, fait un peu de sport et de musculation en salle. J’ai travaillé deux fois par semaine, comme tout le monde, avec Cyril Casmez pour intégrer tous les mouvements des singes, leur manière de se déplacer ou de bouger les épaules et la tête, qui est très différente de la nôtre. Le tournage a été très physique. À force de rester accroupis ou de courir à quatre pattes, nous avons tous souffert, à des degrés divers. Mais l’aventure, l’élan collectif, la bienveillance que nous nous portions, ont sans doute contribué à dépasser les douleurs.

Est-ce votre voix teintée d’un joli accent brésilien qu’on entend ?

Jamel m’a en effet rajouté une difficulté puisqu’il voulait un accent qui ne soit pas totalement identifiable, entre le roumain et le brésilien on va dire. Il fallait comprendre et garder en mémoire que Lucy vient d’ailleurs, qu’elle a perdu les siens et qu’il y a des choses qu’elle ne comprend pas.

En tant que témoin privilégiée et actrice du film, comment définiriez-vous le message que Jamel a voulu délivrer ?

Il n’ y a pas d’un côté les bons, de l’autre les méchants. Personne ne naît avec le gène de la délinquance, de la violence, de la méchanceté, c’est cette recherche qu’il faut faire. Surtout, ce que Jamel veut dire à travers Edouard, c’est qu’il est préférable de faire du rejet une force. Et puis il y a cette envie d’être unis, d’être ensemble, de partager : il s’agit peut-être d’une utopie qui ne tient pas toujours à l’expérience de la vie mais elle peut nous guider. C’est ce qu’il veut dire aux enfants, aux ados, à tous ceux qui viendront voir le film.

Que retenez-vous de cette expérience, quels grands souvenirs en gardez-vous ?

Au-delà de l’aboutissement d’un projet de longue haleine, au-delà de la découverte de moi-même, je dirais les rencontres avec des êtres venant de milieux très différents, cascadeurs, danseurs, techniciens, acteurs. C’est la grande force de Jamel, réunir les gens, leur insuffler de l’énergie et une forme d’espoir, de confiance en eux. Il peut avoir des coups de blues mais je ne l’ai jamais vu pessimiste. Il est l’incarnation du positivisme. 

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