Immersion au cœur de la nature sauvage avec le documentaire « La vallée des loups »

Image extraite du film La vallée des loups.
© 2017 Pathé Distribution / Pathé Production / MC4 Production / ARMAND AMAR

Le réalisateur de La vallée des loups, Jean-Michel Bertrand, nous raconte les différentes rencontres qu’il a eu l’occasion d’avoir avec les loups durant les trois ans de tournage.

LE POINT DE DÉPART

J’ai la passion pour la nature sauvage parce que j’ai le sentiment qu’une bonne partie des réponses aux questions fondamentales qui nous taraudent se trouve là… Tout près de nous. Il suffit d’ouvrir la porte et d’essayer de comprendre. Au début de cette nouvelle aventure, j’ai bien conscience que je vais faire un film sur un animal que je ne verrai peut-être jamais. Ça ne va pas être facile, mais cette vallée paraît tellement idéale que si le loup n’est pas encore là… Je vais l’attendre. Je garderai bien sûr cette vallée secrète pour mieux protéger les loups. À l’état sauvage, ces grands prédateurs évoluent librement sur d’immenses territoires. Ils ont des comportements sociaux et territoriaux à la hauteur de ces grands espaces. Pour moi observer ou filmer les animaux sauvages dans leur milieu, c’est une immersion, un parcours initiatique qui prend beaucoup de temps et qui n’est jamais gagné d’avance. Et ce sentiment fabuleux de se sentir chaque jour un peu plus perméable aux mystères du monde et vivre une vraie histoire d’amour avec la nature, dans les Alpes en particulier. Une histoire qui aura duré trois ans. 

UN NOUVEAU DÉFI

L’expérience d’un tournage qui s’est étalé sur plusieurs années, au cœur du territoire d’un couple d’aigles royaux, m’a conduit à essayer de pénétrer un peu plus dans l’intimité de ces oiseaux farouches. J’ai continué à passer des semaines en montagne, caché sous des affûts de roches ou de branchages. C’est alors que les aigles m’ont conduit vers une aventure que je n’avais pas imaginée… Un soir, je suis caché dans une vieille forêt de sapins. Je reste des heures caché au creux d’un rocher pour écouter le chant nuptial de la chouette chevêchette. Une chouette de montagne très discrète. La chouette est là. Elle pousse son cri à quelques dizaines de mètres de moi. Des heures de patience enfin récompensées. Je décide de dormir sur place pour profiter de ces instants uniques. C’est au cours de cette nuit que tout a basculé pour moi. J’ai pris la mesure de cette vallée, isolée et entourée de toutes parts d’immenses falaises qui l’enferment avec quelques rares accès par des cols étroits et difficiles à franchir. Au matin, une intuition s’insinue dans mon esprit… Ce territoire est idéal pour les loups. Une intuition qui deviendra une obsession. Voir le loup ! Filmer le loup sauvage !

UNE EXTRAORDINAIRE QUÊTE

Ma décision est prise. Filmer le loup sauvage sans aide, sans artifice, avec pour seuls alliés, ma passion, ma détermination, ma connaissance de ce territoire et beaucoup de temps devant moi. Je me donne trois ans pour réaliser ce rêve. Il va falloir agir en deux temps. Première étape, le repérage. Passer des semaines et des mois à observer, à partir de points stratégiques, tout ce qui se passe sur le territoire. Rester sur un piton rocheux de l’aube au crépuscule et essayer de voir à l’aide de ma lunette le moindre indice de présence de l’animal. Dans un deuxième temps, je vais me servir des indices que j’ai pu observer pour poser, à plusieurs endroits qui me paraissent favorables, des caméras automatiques qui se déclenchent au moindre mouvement, de jour, comme de nuit. L’autre impératif que je m’impose très vite, c’est ma façon de me comporter et d’exister sur le territoire supposé des loups. Je sais que les loups passent beaucoup de temps à surveiller, à contrôler leur territoire et aussi à le défendre. Je dois à tout prix faire partie de ce territoire. Pour parvenir à cela, je décide de me déplacer sur le territoire seulement en pleine journée entre 10 h et 17 h, aux heures où les loups bougent le moins, et de systématiquement dormir sur place en pleine montagne. Surtout ne pas les surprendre. Telle est ma devise ! 

DEVENIR INVISIBLE

L’affût me plonge dans une sorte d’état second. Des minutes qui durent des heures et en tout cas, un rapport au temps qui passe, totalement différent de celui de la vie quotidienne. Mais aussi, au fil du temps et de la pratique, il apporte une sorte d’ultra lucidité qui permet d’être prêt et concentré au moment de tourner une séquence importante. C’est en fait une autre façon d’appréhender le temps qui passe, le monde qui s’agite et bien sûr, une occasion de se retrouver seul face à soi-même. L’affût, c’est aussi ces moments de découragement quand on a passé plusieurs jours et plusieurs nuits sans sortir et que l’on n’a pas fait une seule image. C’est une démarche qui va à l’encontre de la société du « tout plus vite » et « tout tout de suite ». Mais c’est surtout la promesse de rencontres uniques et d’émotions profondes. Lorsque l’animal rêvé est là, à portée d’objectif et que la lumière devient magique… alors là, on se dit qu’on a eu raison d’y croire et d’être resté encore et encore.

LE LOUP : LA FORCE DE CE QU’IL REPRÉSENTE DANS NOTRE INCONSCIENT

Partir longtemps dans la montagne pour essayer d’approcher l’intimité d’un animal, quel qu’il soit et partager cette expérience avec le spectateur est déjà une aventure magnifique et prometteuse de grands moments d’émotion. Mais dans ce film, la nature même de l’animal recherché va apporter une dimension supplémentaire à cette quête. En effet, dans notre culture depuis l’enfance et donc dans notre inconscient collectif, le loup n’est pas un animal comme les autres. Le simple fait de devoir guetter le loup dans la forêt, à l’aube et au crépuscule, et donc de devoir passer de longs jours à dormir dans cette forêt sauvage à l’écoute du moindre bruit suspect, engendre des sentiments qui sont pour certaines personnes de l’ordre de la peur viscérale et en tout cas, éveille chez la plupart d’entre nous des réactions instinctives de crainte et de mystère qui surgissent du plus profond de notre inconscient.

SA BIOLOGIE ET LA COMPLEXITÉ DE SON ORGANISATION SOCIALE

Ce voyage nous permettra d’aller au-delà de nos instincts primaires afin de découvrir un animal méconnu. Si le loup fascine au travers des légendes et de ce qu’il évoque dans notre inconscient, il est aussi fascinant lorsqu’on apprend à le connaître et à l’observer dans sa vie quotidienne. Son mode de vie réel en fait un concurrent de l’Homme, sa structure sociale n’étant pas si éloignée. Une véritable société structurée et hiérarchisée au sein de laquelle l’individu n’existe qu’au travers des autres et où chacun joue son rôle pour le bénéfice du clan (ou meute). Dans les Alpes, une meute compte entre 4 et 6 individus. Seul le couple dominant peut se reproduire et donne naissance une fois par an à 5 ou 6 louveteaux. Le grand méchant loup est avant tout un être besogneux entièrement dévoué au bien-être et à l’éducation des louveteaux. Véritable clef de voûte des espèces animales, grand prédateur au sommet de la chaîne alimentaire, le loup ne peut pas se permettre d’être en surnombre. Il ne tolère qu’un nombre limité d’individus au sein de la meute. Lorsqu’ils sont trop nombreux, des tensions se créent et certains individus se dispersent et quittent le territoire. C’est de cette façon que les loups colonisent les Alpes depuis 25 ans et finissent par arriver dans ma vallée perdue.

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