Budget record et système hollywoodien pour « Astérix aux jeux olympiques » !

Image extraite du film Astérix aux jeux olympiques.
© 2007 Les Éditions Albert René / Goscinny – Uderzo / Pathé Renn Production / La Petite Reine / Tri Pictures S.A. / Constantin Film / Sorolla Films / Novo RPI / TF1 Films Production

Les deux réalisateurs d’Astérix aux jeux olympiques, Thomas Langmann et Frédéric Forestier, racontent les débuts du projet du film. Ils se confient notamment sur les secrets du casting avec l’arrivée de Clovis Cornillac pour le personnage d’Astérix.

Thomas, qu’est-ce qui vous touche tant dans les albums d’Astérix ?

Thomas Langmann – Pour moi, c’est lié à l’enfance. J’ai toujours eu une très grande tendresse pour les albums et surtout pour Obélix. Quand je lisais la B.D., que je voyais les dessins, que je regardais la couleur des sangliers et que je voyais Obélix manger des sangliers, ça me donnait faim ! C’est un personnage qui n’a pas d’âge, qui a cette force incroyable et en même temps toujours l’envie de reprendre une goutte de potion magique. Il est à la fois généreux et sans retenue. C’est vraiment un personnage de mon enfance. A côté, Astérix est plus adulte, plus réservé, plus français sans doute, mais il est bien plus complexe qu’il n’en a l’air, et ce qu’a très bien compris Clovis…

Thomas, à quel moment avez-vous pensé à Frédéric pour réaliser « Astérix aux jeux olympiques » ?

Thomas Langmann – Assez vite. Parce qu’on avait fait Le boulet ensemble, un film que j’ai écrit avec Matt Alexander, que j’ai produit et qu’il a réalisé. L’expérience s’était révélée très positive. Je savais en lançant le projet et en m’impliquant dans l’écriture que j’aurais envie d’aller plus loin et, comme cette complicité existait entre nous, que je connaissais sa générosité, j’espérais qu’il accepterait que je réalise le film avec lui.

Frédéric, avez-vous été surpris du souhait de Thomas de co-réaliser le film avec vous ?

Frédéric Forestier – Pas tant que ça. Sur Le boulet où j’étais arrivé aux commandes dans des circonstances un peu particulières et dans l’urgence, on avait dû réécrire pas mal de scènes, nous avions eu beaucoup d’échanges. Le courant était vraiment bien passé entre nous. Et surtout, j’avais vu son implication à tous les stades de production et de fabrication du film. Je m’étais dit : « Un jour, il réalisera un film. » Même si j’imaginais bien que ça ne se ferait pas en une seule fois. Astérix est devenu en quelque sorte la première marche vers cet objectif-là.

Est-ce que vous vous étiez réparti les tâches de manière très formelle avant le tournage ?

Frédéric Forestier – Non. Au départ, on a réfléchi au mode de fonctionnement que l’on pourrait adopter et finalement les choses se sont faites instinctivement, assez naturellement. On parlait d’une scène ensemble, comment Thomas la voyait, comment je la voyais… Parfois, on avait une lecture identique, parfois différente, il fallait donc simplement se mettre d’accord. On a eu beaucoup d’échanges avant le tournage – et encore plus pendant ! D’autant que Thomas a souvent une impression globale de la scène, or quand on travaille plan par plan, on avance par petites touches et le résultat final n’est pas forcément visible au moment où l’on tourne.

Thomas Langmann – Et c’était encore plus vrai pour ce qui concernait les effets spéciaux. Je savais qu’il y en aurait beaucoup et que Fred les maîtrisait très bien. Il n’empêche que je lui mettais la pression parce que moi, j’ai besoin de voir. Lui, il peut imaginer beaucoup mieux ce que le plan va donner quand on aura rajouté la foule dans le stade ! Il a cette capacité d’avoir une vision des décors qui n’existent pas mais qui seront présents dans l’image finale. Il a aussi cette grande faculté de très bien s’entendre avec les acteurs… Frédéric est une bête de travail, quelqu’un qui est très bon techniquement. Il a aussi – et c’est peut-être là notre point commun ! – une forme d’inconscience qui lui permet sans souci d’affronter un barnum pareil, avec autant de vedettes… Notre association est en fait une addition de compétences et de caractères finalement très complémentaires.

Frédéric Forestier – On se complète bien, c’est vrai. Thomas a une grande énergie pour mettre les choses en oeuvre, pour réunir des gens d’horizons différents et… pour soulever des montagnes ! Ca relève sans doute plus de la production, en même temps cela avait forcément des incidences sur la mise en scène. Je suis assez admiratif de ça. Et puis sur le plan artistique, là où on se complète, c’est que si je peux me laisser un peu enfermer par les contraintes de la réalité, Thomas, lui, a une certaine folie, une volonté d’assumer nos ambitions visuelles, spectaculaires… Il y a un moment aussi où il me met au pied du mur avec de vrais challenges. En fait, il a cette capacité d’emmener les gens au-delà de ce qu’ils se croient capables de faire.

Thomas Langmann – On parle de folie mais je ne suis pas sûr que ce soit le terme approprié. C’est plus de l’ordre de l’ambition artistique, du plaisir d’une aventure exceptionnelle. Si on se complète, c’est que j’apporte des difficultés à Frédéric qui, lui, est capable de les dépasser…

De nombreux dialogues jouent sur les clins d’oeil et les références – ceux de Delon bien sûr, mais d’autres aussi, comme celui qui rend hommage à Cyrano…

Frédéric Forestier – Quand on lit la B.D., on retrouve des clins d’oeil en permanence – aussi bien dans les dialogues que dans les dessins. Ça fait partie intégrante de la « culture » d’Astérix.

Thomas Langmann – C’est sûr. Chabat aussi a parfois joué sur certains clins d’oeil, sur lesquels à notre tour on a joué, comme l’utilisation des « guests » et le recours aux anachronismes. Dans les albums, il y a une grande tendresse qu’on a voulu retrouver. C’est pour ça que je tenais à ce que l’enjeu du film, que l’enjeu des Jeux Olympiques eux-mêmes, soit une histoire d’amour – sinon avec la potion magique, on était sûrs que les Gaulois allaient gagner ! L’avantage de faire un troisième Astérix était aussi d’essayer de faire la synthèse entre ce qui fonctionnait le mieux dans le premier et dans le deuxième. Sans doute est-on plus proche de la B.D. avec cette tendresse, cette émotion, et aussi ce sentiment d’aventure…

Comment avez-vous défini le style que vous vouliez donner au film ?

Frédéric Forestier – On s’est dit que c’était à la fois l’adaptation d’une B.D. culte, un film historique, et on a voulu jouer sur tous les tableaux. Que ce soit un film visuellement riche – les décors, les costumes, la qualité de l’image… J’ai bien regardé les deux premiers Astérix, j’ai vu aussi de vrais peplums, des films plus « sérieux » et je me suis dit qu’il fallait lui donner du souffle, profiter de la démesure des décors, faire des plans larges tout en restant dans le mouvement… Comme il y a beaucoup de gags visuels, il fallait trouver les angles les plus efficaces, les plus drôles.

Thomas Langmann – …et puis finir la journée !

Frédéric Forestier – Et en même temps, oui, finir la journée ! Parce que, malgré la durée du tournage, on avait un plan de travail relativement serré. On devait donc marier tout ça en se laissant une marge de manœuvre pour trouver de nouvelles idées, pour improviser, pour accueillir les propositions des comédiens… On a souvent eu des acteurs qui se retrouvaient sur le plateau pour la première fois ensemble, il fallait pouvoir tirer profit de ce qui n’allait pas manquer de se produire entre eux. Il fallait donc conjuguer un certain nombre de paramètres pour qu’au final, on ait une impression à la fois d’un spectacle grandiose et d’une comédie efficace…

Image extraite du film Astérix aux jeux olympiques.
© 2007 Les Éditions Albert René / Goscinny – Uderzo / Pathé Renn Production / La Petite Reine / Tri Pictures S.A. / Constantin Film / Sorolla Films / Novo RPI / TF1 Films Production

Quel est selon vous le meilleur atout de Clovis Cornillac pour jouer Astérix ?

Thomas Langmann – Je crois qu’il n’y a aucun acteur au monde qui puisse jouer Obélix mieux que Depardieu, qui soit capable de jouer avec cette grâce, cette naïveté, cette légéreté, cet humour. Mais pour Astérix, ce n’est pas tout à fait le cas. Sans doute parce que le personnage est moins clairement défini qu’Obélix. Et pour ce nouvel épisode, on avait envie de faire une proposition différente, de la même manière qu’en Amérique, on n’hésite pas à changer d’acteur pour interpréter Batman ou d’autres. Et puis, on se disait que c’était bien de casser les habitudes de Gérard. Gérard n’est jamais aussi bon que lorsqu’il a en face de lui un acteur qui le titille, qui l’excite…

Frédéric Forestier – On aimait bien l’idée d’avoir un Astérix plus jeune, plus vif. C’est, dans la B.D., un personnage qui a une incroyable énergie intérieure. Il est toujours dessiné dans des poses très dynamiques. Clovis a su retrouver cette énergie des dessins. Il a apporté beaucoup de vivacité, un regard toujours un peu animal, et s’est très bien sorti du côté clown blanc. Il a joué un rôle très positif dans le fonctionnement du duo Astérix – Obélix.

Thomas Langmann – Il a en effet apporté ce coté très « physique » d’Astérix. Quand Astérix boit la potion, avec Clovis, il n’y a quasiment pas besoin d’effets spéciaux ! Il possède la gestuelle, la tonicité. Il a d’ailleurs beaucoup travaillé la posture d’Astérix jambes fléchies. Cela en fait un Astérix incroyablement juste. Le couple Depardieu – Cornillac est tel que j’ai toujours vu Obélix et Astérix dans la B.D.

L’une des forces de l’histoire et du film, c’est l’affrontement de Brutus avec César, de Benoît Poelvoorde avec Alain Delon. Deux personnages aux antipodes, deux personnalités très différentes, et donc deux manières de travailler et deux styles de jeu très différents… Comment gère-t-on cela sur le plateau ?

Frédéric Forestier – C’est vrai, ils ne travaillent pas du tout de la même manière. Alain Delon travaille au millimètre avec le texte qu’il connaît impeccablement. Benoit Poelvoorde, lui, a besoin de vivre les choses, c’est-à-dire que lorsqu’on dit « Moteur », on sait ce qui doit se passer, mais on ne sait jamais exactement ce qui va se passer ! Dans les premières prises, il cherche ses marques, avec une capacité d’invention hallucinante, ensuite, ensemble, on affine. Les prises s’enchaînent avec un seul objectif : la perfection. Car Benoît aussi est un perfectionniste. Il fallait juste trouver un territoire commun, un terrain d’équilibre entre Delon et Poelvoorde.

Thomas Langmann – C’est ça, l’un est un acteur qui n’aime pas l’improvisation et travaille au rasoir. L’autre est au contraire un acteur de l’improvisation. Benoît est, comme le dit Gérard Depardieu, un acteur qui est aussi un auteur et qui, en plus, est assez angoissé. C’est de là qu’il tire son talent, son génie même. C’est quelqu’un qui a besoin et qui a plaisir à inventer, qui peut rebondir immédiatement sur une phrase ou une situation et partir dans une direction inattendue. Surtout dans ce personnage de méchant de comédie qui peut être à chaque fois, et de manière différente, drôle, lâche, vache et tonitruant ! C’était donc le choc de deux mondes et en même temps, c’est ce qui fait toute la saveur et la richesse de leurs dialogues. C’est fabuleux de voir ces deux monstres l’un en face de l’autre.

Frédéric Forestier – Ce qui était frappant en travaillant avec Delon, c’est sa grande simplicité. Quand on sait ce qu’on veut, il lui faut très peu de prises. Deux ou trois. Et on en fait une autre, juste si on a envie d’essayer quelque chose d’autre, d’avoir une couleur un peu différente. Il accepte toujours ; une fois que la direction est donnée, il est pile dedans. Quand on dit « Coupez », son regard va tout de suite vers vous et il lit dans votre regard si la prise est bonne ou non. Déjà là, il a son propre sentiment sur la prise et il ne se trompe pas ! La manière dont il s’est approprié César est impressionnante. Il l’a joué très impérial mais il a su aussi lui apporter du deuxième degré. Il y a comme un légère distorsion du Delon habituel parce qu’il a été vers la comédie… Il est grandiose dans ce mélange du premier et du deuxième degré…

Thomas Langmann – Je me souviens lorsqu’on a tourné la scène où il se regarde dans la glace, le matin même – j’avais dû en rêver pendant la nuit ! – je me suis imaginé Delon en train de se regarder sur la musique du Clan des Siciliens. On a trouvé la musique et on l’a mise sur le plateau sans rien lui dire. Il a marqué une légère surprise et a joué le jeu magnifiquement… Il est d’une précision, d’une acuité incroyables. En plus, on voyait qu’il avait un réel plaisir à porter le costume de César. Cela participait aussi à sa jubilation à jouer ce personnage…

A quel moment avez-vous réalisé que vous étiez partis pour faire le film français le plus cher de l’histoire du cinéma ?

Frédéric Forestier – Pendant la préparation. On a beaucoup jonglé avec les budgets, on rajoutait des idées, des scènes, des décors…

Thomas Langmann – On n’a pas cherché à battre des records ! C’est seulement le désir qu’on avait de faire beau, grand, spectaculaire et de prendre les meilleurs à tous les postes, aussi bien dans le casting que dans la composition de l’équipe, qui a fait qu’on en est arrivé là. En même temps, je dois avouer que le premier jour de tournage a été pour moi un grand moment d’émotion. Quand je suis arrivé le matin dans la forêt de Fontainebleau et que j’ai vu tous ces camions alignés, j’ai eu une espèce de fierté enfantine… Tout ce dont on avait rêvé, finalement, allait se réaliser, c’était du concret…

Frédéric Forestier – Mais il ne fallait pas se laisser polluer par toute cette logistique et cette infrastructure. Il ne faut jamais perdre de vue l’essentiel, c’est-à-dire ce qui se passe devant la ou les caméras.

Thomas Langmann – L’essentiel, c’est en effet la comédie !

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