« Mia et le Lion blanc », un tournage de plus de 3 ans où les lions sont rois !

Image extraite du film Mia et le Lion blanc.
© 2018 Studiocanal GmbH / Patrick Toselli

Le réalisateur Gilles de Maistre nous explique son souhait de faire des lions de véritables acteurs et non seulement de simples animaux de dressage. Comment ? En créant une relation forte entre l’équipe et ses animaux majestueux dès qu’ils naissent.

Quelle est l’origine du projet ?

Ça remonte à loin. Dans un documentaire pour la télévision française, j’ai réalisé une série sur des enfants du monde entier qui entretiennent une relation avec des animaux sauvages. Je suis notamment allé en Afrique du Sud où j’ai filmé un enfant dont les parents avaient un élevage de lions. Ils élevaient des lions pour des raisons de conservation, soi-disant : pour les vendre aux zoos, aux parcs, pour célébrer la beauté du roi des animaux, ou même pour les relâcher dans la nature. Et cet enfant de 10 ans était complètement amoureux des lions. Après le tournage, quand j’ai quitté la ferme, j’ai appris que cet endroit vendait des lions pour la chasse. La chasse en enclos. Les gens venaient des quatre coins de la planète pour tuer des lions, mais aussi des rhinocéros, des éléphants, des girafes… C’est dingue, mais légal là-bas. Ça m’a choqué que l’on m’ait menti, mais surtout que cette famille mente à leur jeune fils : que se passera-t-il le jour où il découvrira que ses parents lui ont menti ? Que fera-t-il ? L’histoire de ce film est née de ça… Car le film parle d’une fillette de 11 ans, Mia, dont les parents élèvent des lions et qui tombe amoureuse d’un lionceau. Les parents assistent à cette idylle et commencent à s’inquiéter quand l’animal devient adulte, ils décident alors de le vendre à des chasseurs. Et quand Mia comprend ce qui se passe, elle se met en tête de sauver le lion et de l’aider à quitter la ferme pour l’emmener dans une réserve où il sera protégé. Mais le voyage vers cet endroit est plus que compliqué…

C’est un film pour toute la famille, et c’est une pure fiction et non un documentaire, même si la véritable amitié qui s’est créée, dans la vie réelle, entre cette jeune fille et ce lion fournit la base du film. C’est une méthode totalement nouvelle et atypique. On a rencontré plus de 300 enfants, en Afrique du Sud, pour trouver la bonne actrice. Et on est tombés sur cette petite fille, Daniah. La première fois qu’elle s’est retrouvée en présence d’un bébé lion, elle ne s’est pas servie de ses mains, comme tout le monde le fait, mais de sa tête. Kevin Richardson, notre spécialiste des lions, était emballé. Aujourd’hui, Daniah n’a plus 11 ans, mais 14 ; le lion n’est plus un bébé, mais un bestiau de 250 kilos, et ils sont toujours amis. C’est la première fois que quelqu’un fait cela, je crois : créer une histoire d’amour entre un animal sauvage,un prédateur, et une petite fille, sans trucages.

Il paraît qu’il n’y a rien de pire, pour un réalisateur, que de diriger des enfants ou des animaux. Vous, vous cumulez les deux…

Moins par moins donne plus ! Blague à part, cette mauvaise réputation est un peu usurpée. Concernant les enfants, j’ai rencontré sur ce tournage des enfants exceptionnels : bien élevés, gentils, intelligents, volontaires, courageux… Bref, j’ai eu de la chance, car j’aurais pu me retrouver, comme souvent, à devoir diriger un vieil acteur capricieux (rires). Pour ce qui est des animaux, on a adopté une méthodologie totalement à l’opposé de ce que l’on a l’habitude de faire au cinéma, en prenant le lion comme un acteur et non comme un animal qu’on dresse. On a créé une relation avec lui, depuis sa naissance. Bien sûr, l’équipe était plus lointaine et à la fin du tournage, elle était confinée dans des cages, mais tout de même, l’animal était habitué aux caméras, aux micros, etc. Les jeunes acteurs, eux, ont vécu avec les lions quotidiennement. Il s’agit donc plus d’amitié, d’amour, de relation fusionnelle que de dressage. Et notre lion, fort de ça, était vraiment à l’aise sur le plateau avec nos acteurs !

C’était une première, cette façon de faire ?

Oui. Cela s’appelle de l’imprégnation, de l’habitude, de la routine. Le lion a rencontré l’actrice quotidiennement, se baladant sur le décor même quand on ne tournait pas. Et il a joué la comédie ! Kevin Richardson n’avait jamais vu un lion aussi extraordinaire que notre Thor. C’est peut-être lié au temps qu’on a pris pour faire le film et à l’ambiance qu’il y avait. Toujours est-il que quand on refaisait certaines prises, il était capable de refaire la même chose, comme un acteur.

Un lion peut donc jouer la comédie ?

Disons qu’il comprenait. Et il y a des jours où l’on n’a pas tourné parce qu’il ne voulait pas, donc on l’a laissé tranquille. On abandonnait et on recommençait le lendemain. Moyennant quoi il y a des séquences qu’on a été obligés de faire sur trois, quatre jours tellement c’était compliqué de tourner avec lui, et puis d’autres qu’on a bouclées en un quart d’heure.

Tourner de cette façon représentait un pari énorme !

C’était un pari, mais hyper calculé, parce qu’on avait énormément de paramètres en main et on était bien préparés. On avait deux enfants, au cas où l’un des deux ait peur. Ryan, le garçon qui joue le frère de Daniah, était en fait sa doublure, donc il a fait exactement le même parcours qu’elle dans sa relation avec le lion. Et si Daniah avait pris peur la troisième année, on aurait changé le scénario et Ryan aurait repris le rôle : c’est lui qui aurait sauvé le lion à la fin. On avait aussi deux lions. Trois, en fait : Thor, l’acteur principal, qui joue Charlie depuis l’âge de 4 mois ; Charlie, qui s’appelle donc vraiment Charlie dans la vie, qui était sa doublure et qui joue aussi le lion à 2 mois ; et puis Neige, une femelle, qui joue Charlie bébé.

Un tournage aussi hors normes, ça crée des liens puissants, non ?

C’est un tournage qui s’est étalé sur trois ans, en quatre blocs, donc c’est étrange : on se quitte et on se dit « À dans un an ! ». Et puis on est tous ensemble en Afrique du Sud, on voit grandir un lion, on voit grandir des enfants, on devient amis avec les parents, on est dans le bush avec les éléphants, les girafes… On a qu’une envie, c’est de recommencer ! En même temps, on est partis sur un chemin vierge. Et puis, le lion c’est une machine de guerre. Un jour, alors qu’il était déjà adulte, Thor a décidé de rentrer dans une cage et il n’y a pas eu moyen de l’arrêter. En l’occurrence, il voulait juste voir ce qu’il y avait dans la cage, mais bon, un lion, c’est la force de dix déménageurs !

La prime d’assurance a dû grever le budget.

Bizarrement, non. Circles est la seule assurance qui couvre ce genre de tournage et ils ont été totalement convaincus par notre système de sécurité. Notre règle d’or, c’est que s’il y avait le moindre doute de la part de Kevin, on passait en mode normal, truqué. Et on avait deux enfants, au cas où l’un des deux ait peur. Ça, c’était le plan B. Mais s’il y avait un doute, on finissait le film sur fond vert. C’était le plan C.

Y aura-t-il une suite ?

L’idée a été abandonnée. Le problème, c’est qu’à partir du moment où Daniah a stoppé les interactions avec le lion, elle a renoncé au rôle, car c’est un apprentissage quotidien : on ne pouvait pas prendre le risque de recommencer la relation. On s’est posé la question : est-ce que Daniah continue de travailler avec Kevin là-bas etc. ? Finalement, on s’est dit que c’était trop compliqué pour quelque chose d’hypothétique. Pour Daniah, ça a été un déchirement de quitter le lion, mais elle a dû reprendre sa vie normale de petite fille, repartir là où elle habite, après avoir passé trois ans dans le bush. Elle en a assez fait. Mais elle revient le voir régulièrement.

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