« Le prince oublié », place aux rêves et à la littérature !

Image extraite du film Le prince oublié.
© 2020 - PRELUDE - PATHE - STUDIOCANAL - TF1 FILMS PRODUCTION - BELGA FILMS PRODUCTIONS - KOROKORO

Bérénice Bejo nous raconte, à travers cette interview, son duo fusionnel avec Omar Sy dans Le prince oublié.

ON IMAGINE QUE VOUS AVEZ ÉTÉ LA PREMIÈRE LECTRICE DU SCÉNARIO DU « PRINCE OUBLIÉ » : QUELLE A ÉTÉ VOTRE RÉACTION À LA DÉCOUVERTE DE CETTE HISTOIRE-LÀ?

J’ai découvert le scénario originel, avant que Michel ne se le réapproprie mais les grandes lignes étaient là et j’ai immédiatement compris ce qui pouvait lui plaire. D’abord c’est un papa de quatre enfants, (dont trois filles), et je perçois bien le potentiel émotionnel de ce récit pour lui. Ensuite, je sais que le challenge est de raconter deux histoires en parallèle, une dans le réel et l’autre dans l’imaginaire avec des méchants et des créatures fantastiques ça va l’emballer ! Michel aime beaucoup les films familiaux, à la fois touchants, divertissants et qui ont une morale accessible à tous… Rappelez-vous que Michel sortait de THE SEARCH et du REDOUTABLE, deux projets plus engagés, et je crois qu’il avait envie de revenir à une vraie comédie légère, simple. Ça lui a fait beaucoup de bien!

VOUS DITES « SIMPLE » MAIS CE FILM EST AUSSI D’UNE GRANDE AMPLEUR TECHNIQUE…

Mais je vous ai répondu sur la lecture du scénario. Maintenant si vous me parlez du tournage je vous dirai « oh la vache » ! C’est le producteur Jonathan Blumental qui a fait cette proposition à Michel et ce pari à la fois narratif et technologique le tentait énormément. Mais honnêtement, personne ne se rendait vraiment compte de l’ampleur des choses à accomplir. Les américains eux y sont habitués mais avec des moyens 100 fois supérieurs à ceux que nous avons eus… Le challenge a été de relever ce défi à notre manière et de réussir aussi à faire rêver les spectateurs. Alors ça demande une véritable organisation, une vraie concentration, une vision globale des choses et un sens du récit. Michel a pris conscience de tout cela rapidement mais je sais que certains points l’ont surpris tout au long du tournage…

VOUS L’AVEZ TOUT DE MÊME VU PRENDRE DU PLAISIR, S’AMUSER AUX COMMANDES D’UN TEL FILM ?

Oui, durant toute la partie réelle de l’histoire, celle de la relation entre Omar Sy et sa fille ou avec moi, je sais qu’il s’est amusé. Pour ce qui concerne le monde imaginaire, c’est autre chose car il fallait tourner principalement sur fond vert avant d’y ajouter les effets spéciaux. C’est toujours une étape compliquée pour les acteurs, l’équipe technique ou la déco. Nous avions ces grands studios jaunes mais le reste, les oubliettes par exemple, ont été créés numériquement. Michel devait rester concentré et avoir sans cesse à l’esprit ce qu’il voulait raconter mais aussi la manière dont cela apparaîtrait au final à l’écran…

DANS « LE PRINCE OUBLIÉ », VOUS INTERPRÉTEZ DEUX PERSONNAGES : LA VOISINE ET CELLE QUE NOUS APPELLERONS LA « FEMME À LA PORTE ». DE QUELLE MANIÈRE LES VOYEZ-VOUS À LA LECTURE ET TROUVEZ-VOUS UN LIEN ENTRE ELLES ?

La voisine, à l’origine, n’était pas très développée dans le premier scénario. J’avais même dit à Michel: « Écoute, ça va sans doute être le premier film qu’on ne va pas faire ensemble ! » Je n’aimais pas beaucoup ce personnage qui n’existait pas vraiment, un peu à la traîne derrière l’histoire d’un père et de sa fille. Michel a retravaillé tout cela, j’y ai mis ma patte au passage, et à l’arrivée je trouve que cette voisine ressemble aux héroïnes typiques du cinéma américain de comédie romantique : la fameuse « girl next door » ! Tout cela a pris son sens lors du tournage où Michel et moi nous sommes régalés avec ce rôle pétillant, drôle, sympathique. Je la vois comme une Peppy Miller dans THE ARTIST qui pourrait parler… Et dans le monde des histoires, elle a en effet un lien avec « la femme à la porte ». La voisine vit sur le même palier que vous, c’est une fille qu’on ne voit pas, qui est toujours là mais à qui on ne fait jamais attention. « La femme à la porte » elle aussi a été oubliée, elle a eu des rôles de moins en moins importants et on n’a plus pensé à elle. Toutes les deux ont envie d’exister. C’est assez joli…

Image extraite du film Le prince oublié.
© 2020 – PRELUDE – PATHE – STUDIOCANAL – TF1 FILMS PRODUCTION – BELGA FILMS PRODUCTIONS – KOROKORO

C’EST AUSSI UNE MANIÈRE, SOUS COUVERT D’UNE COMÉDIE FAMILIALE FANTASTIQUE, DE PARLER DU MÉTIER D’ACTEUR ?

Absolument. LE PRINCE OUBLIÉ est un film familial qui plaira aux enfants mais les adultes pourront y trouver des niveaux de lecture plus profonds. L’histoire nous ramène à notre société : que fait-on aujourd’hui de tous ces gens supposés ne plus servir à rien, comme les personnes âgées par exemple ? Dans ce cas, c’est terriblement simple : on les met de côté, on n’en parle plus et on les oublie… Ce monde est quand même celui où, si vous n’avez pas entre 25 et 45 ans en étant large, vous n’avez plus votre place ! Le film parle de cela et en effet de ces acteurs qui ont eu accès à des rôles principaux, puis des seconds rôles, puis des apparitions et enfin plus rien du tout… C’est un thème qui touchera tout le monde car dans certaines sociétés on valorise encore la transmission du savoir et de l’expérience…

POUR REVENIR À CE PERSONNAGE DE LA VOISINE, C’EST UN REGISTRE PÉTILLANT ET ROMANTIQUE DANS LEQUEL ON NE VOUS VOIT PAS TANT QUE ÇA ALORS QUE VOUS SEMBLEZ Y PRENDRE BEAUCOUP DE PLAISIR…

J’avais ce style de rôle dans un film qui s’appelait MODERN LOVE, il y a une dizaine d’années : une comédie romantique un peu atypique et c’est vrai que ce sont des personnages que l’on me propose assez peu au final. Je viens de tourner en Italie avec Sergio Castellitto UN DRAGON EN FORME DE NUAGE qui est lui aussi dans ce registre haut en couleurs, très rythmé… En France, il n’y a que Michel qui me propose ça ! Mais j’espère que LE PRINCE OUBLIÉ va un peu changer la donne et que les gens du cinéma aussi iront le voir en se disant que peut-être… Pour tout vous dire, même mon agent m’a appelée après la projection en me disant « Je ne t’ai jamais vue comme ça ! » Alors attention, ce genre de rôle doit être parfaitement écrit, jouer sur les regards, les silences, les hésitations ou les maladresses du personnage…

UN PERSONNAGE DONT L’EFFICACITÉ REPOSE AUSSI SUR CELUI D’OMAR SY. VOUS VOUS CONNAISSIEZ AVANT LE TOURNAGE ?

Notre rencontre date de l’hiver 2012 quand nous avons chacun remporté un César : lui pour INTOUCHABLES et moi pour THE ARTIST… Je garde le souvenir d’une cérémonie électrique, très agréable car on récompensait ce soir-là aussi des films qui avaient formidablement bien marché. Quand je suis montée sur scène pour faire la photo finale avec Omar je me suis retrouvée à côté d’un type qui dégageait une énergie, une gentillesse et une générosité incroyables… J’ai alors pensé que ça pourrait bien fonctionner entre nous au cinéma. Michel a eu la bonne idée de nous réunir et en effet, j’ai la sensation que nous formons un beau couple à l’écran ! Ça m’a rappelé le duo avec Jean Dujardin et c’est assez rare à ce point : il y a plein de films où j’aime beaucoup mes partenaires mais parfois ça va au-delà… J’en ai parlé avec Hélène, la femme d’Omar, en lui disant que cette connexion entre nous tirait l’un et l’autre vers le haut… Et il est comme ça dans la vie : c’est un homme qui ne triche pas, très à l’aise avec qui il est et avec sa notoriété. Je trouve qu’Omar gère tout cela remarquablement, malgré sans doute des moments compliqués, et sur un plateau croyez moi, il est capable de séduire absolument tout le monde !

QUEL COMÉDIEN EST-IL JUSTEMENT SUR UN TOURNAGE ?

Omar cherche constamment à apprendre des choses. Il se moquait d’ailleurs de moi car j’ai une méthode que j’ai expérimentée sur LE PASSÉ d’Asghar Farhadi : j’aime bien commencer une scène en redisant une ou deux répliques de celle d’avant ou dire mon texte même quand je ne suis pas filmée avant de l’être… Bref, Omar n’a pas arrêté de se foutre de moi et il m’a raconté qu’ensuite, sur le tournage de L’APPEL DE LA FORÊT à Hollywood avec Harrison Ford, il leur disait « si c’est possible j’aimerais bien faire une Bejo » ! C’est très mignon car, au-delà de la blague, il est maintenant connu là-bas et il y a appliqué une astuce qu’il ne connaissait pas. C’est une vraie preuve d’humilité… Je l’ai constaté également dans sa manière de travailler avec Michel qui en plus adore diriger les acteurs et qui ne s’obstine jamais à les emmener là où ils ne souhaitent pas aller… Omar fait partie de ces comédiens dont il faut préserver l’énergie. Le public l’aime pour cela et c’est autour de cela qu’il faut travailler avec lui… C’est la même chose avec James Stewart ou Robert Mitchum : ils sont capables de jouer des registres variés mais à la base, vous savez très bien pourquoi vous les engagez ! Mais en douceur, Michel est parvenu à emmener Omar dans d’autres directions car le personnage du Prince n’est pas si simple. C’est un rôle qui repose sur l’humour, le second degré voire la dérision, dans un univers visuel assez particulier…

COMMENT AVEZ-VOUS RÉAGI EN TANT QUE SPECTATRICE JUSTEMENT DEVANT LE FILM TERMINÉ, AVEC TOUS SES EFFETS SPÉCIAUX ?

J’ai vu une véritable proposition de cinéma. Un film qui veut émerveiller et qui se met à la hauteur d’un public familial en général et des enfants en particulier. LE PRINCE OUBLIÉ n’a qu’un but : nous raconter des histoires en nous emmenant dans un monde peuplé de personnages irréels et fantastiques. J’aime l’ambiance générale du film, ses couleurs hyper flashy qui nous changent de notre quotidien tellement terne… Michel a osé aller dans une direction différente en termes d’esthétique. Encore une fois c’est un film à voir en famille, devant lequel il faut se laisser emporter… Alors ça n’empêche pas l’émotion et il y en a beaucoup, avec cette idée de la transmission. Il ne faut jamais oublier de raconter des histoires à nos enfants, surtout à une époque où ils ont accès aux écrans, aux tablettes, etc… La place du rêve et de la littérature est essentielle dans leur vie. Alors même quand, en tant que parent, on pense que c’est fini, qu’ils n’ont plus besoin de l’histoire du soir, il faut continuer ou prendre le relais avec les petits enfants ! C’est ainsi que les contes ou les légendes sont passés de génération en génération à travers les siècles…

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