Edouard Baer rejoint l’aventure de « Raoul Taburin »

Image extraite du film Raoul Tabruin.
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Entretien avec Edouard Baer pour son rôle dans Raoul Taburin.

Que représente l’univers de Sempé pour vous et comment y entre-t-on ?

Ce que j’aime beaucoup chez Sempé, ce sont les petits tracas, les ambitions dans le désert, la colère dans la foule, un mélange entre l’infinité de détails autour et les petits personnages qui cherchent à se rebeller, à crier leur solitude et leur petit destin. Le tout sans mépris, car Sempé a beaucoup de tendresse pour ces gens-là. C’est très touchant. À jouer, cela induit une forme de modestie. Ce sont des sentiments discrets qui restent esquissés. Même si, dans une adaptation, il s’agit aussi de trahir l’écrivain ou le dessinateur.

Connaissiez-vous Raoul Taburin ?

Non. Je connaissais davantage Le petit Nicolas ou Catherine certitude qu’il avait fait avec Modiano. En découvrant Raoul Taburin, j’ai été très touché par sa façon de traiter de l’imposture. Être acteur de cinéma, c’est accepter la perte de contrôle pour se laisser filmer par un autre. On se demande souvent : « Pourquoi moi ? ». Ce thème de l’imposture nous concerne, nous, les acteurs.

La voix off du film introduit votre personnage de cette façon : « Le destin s’appelle Figougne ». Cela le place dans une perspective existentielle…

Figougne est un révélateur. On cherche ça en amitié comme en amour, au fond : une terre un peu nouvelle qui nous aide à avancer. Figougne, pourquoi est-il là ? Il y a avec Raoul une alchimie qui opère « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi ». On a des coups de cœur de sympathie, comme on peut avoir des coups de cœur sentimentaux.

Figougne, c’est un mélange d’exubérance et de maladresse…

C’est un petit coq qui arrive de Paris avec un peu de certitude, mais aussi beaucoup de douceur. Il a aussi un côté lunaire à la Hulot. C’est pour ça aussi que Taburin l’aime bien.

On retrouve cette douceur dans le timbre de votre voix…

On a travaillé à cette douceur. Aussi parce que Benoît Poelvoorde était dans ce registre-là. Il a beaucoup gommé son côté fanfaron, qui est aussi formidable dans d’autres films. Par conséquent, ma façon de m’approcher de lui était dans la même tonalité.

Figougne a une façon très personnelle de composer ses photos. Comme dans celle de la famille du boucher, où le hachoir brandi apporte drôlerie et étrangeté…

Il ne s’en aperçoit pas ! Je me suis raconté tout bas qu’il exprimait peut-être en une photo sa haine des familles, mais ce n’est pas dit du tout ! Il a le don de transformer une image d’Épinal en cauchemar ! Il n’y a aucune malignité chez lui à ce moment-là, mais de fait, il réalise une photo très violente, et c’est drôle. De la même manière, Taburin pourrait presque tuer son ami plutôt que de dire la vérité. On est jamais loin de basculer dans des choses folles. C’est très dissimulé, mais il y a du bizarre dans le film !

Comment s’est passée votre collaboration avec Pierre Godeau ?

J’ai beaucoup apprécié sa douceur, sa force tranquille, sa gentillesse. On a envie de lui faire plaisir. Il était très heureux de nous voir jouer, il était comme un enfant qui n’en revient pas de la chance qu’il a et il nous le faisait ressentir. On se disait qu’on avait de la chance, nous aussi. Pierre Godeau, Sempé et Benoît Poelvoorde ont un point commun : ils n’ont pas honte de chercher quelque chose autour de la gentillesse, qui est un mot très galvaudé. Sempé dans ses héros, Benoît dans ce qu’il recherche dans son rapport avec les gens, et Pierre dans son rapport avec l’équipe atteignent une vraie gentillesse, c’est-à-dire un coeur intelligent et attentif.

Avez-vous retravaillé vos dialogues avec lui ?

Je trouvais l’histoire jolie et j’avais très envie de travailler avec Benoît Poelvoorde et avec Pierre, mais mon rôle était un peu en pointillé et je souhaitais qu’il existe un peu plus. On l’a donc légèrement réécrit.

Le conte du « flan et de la cuillère » que vous racontez aux enfants, c’est de vous ?!

Oui ! C’est une improvisation pour faire rire les enfants. Mais on improvise toujours un peu sur un plateau. En l’occurrence, il fallait que Figougne ait un peu de brio et de fantaisie dans toute la séquence où Taburin est jaloux de lui, car Taburin pense qu’il en est dépourvu. Il imagine que la fantaisie de l’autre séduit son épouse.

Vous avez improvisé cette phrase de dialogue : « Je sais qui je suis », qui résonne comme une phrase de sage à la fin du film…

« Je sais qui je suis » signifie « je suis à ma place, je suis le meilleur moi-même possible ». Je trouve ça beau que Figougne dise ça, car lui a accepté de ne pas être un grand photographe et de laisser le hasard déterminer le succès ou l’échec. Il fait honnêtement les choses et fait de son mieux. 

Qu’est-ce qui vous touche autant chez Benoît Poelvoorde ?

Il y a mille choses. Sa profonde bienveillance. Il est incroyablement soucieux de l’autre. Avec sa force de création et de poésie qui confine au génie, il pourrait être très autocentré et préoccupé de lui-même, mais ce n’est pas le cas. En tant que comédien, il a réussi à vaincre une forme de peur. Quand il lit sa lettre d’adieu dans le film, j’avais les larmes aux yeux. Je ne sais pas comment il est parvenu à cet état-là.

Comment avez-vous trouvé la juste tonalité entre drôlerie et mélancolie ?

Nous sommes surtout des petites images, des figurines d’Épinal dans le mouvement du film, dans ce soleil qui ne bouge plus, dans ces couleurs pastel un peu délavées des costumes, dans ce montage doux, ces instants féeriques comme ce vélo qui roule tout seul. C’est une histoire un peu triste, en somme. C’est une petite tragédie que de ne pas oser dire votre secret à la personne avec qui vous vivez. Tout cet ensemble est orchestré par Pierre. L’atmosphère d’un film, c’est le réalisateur qui la crée. Nous étions imprégnés de son calme et de sa douceur. La tonalité ressentie en découle.

Venterol, ce petit village du Sud où vous avez tourné, vous a-t-il inspiré également ?

Oui, on sent quand on arrive quelque part dans quel univers on se trouve. À partir de là, sans trop construire ni fabriquer, on se glisse dans ce monde. Quand on disait : « Coupez ! » sur le plateau, Benoît et moi filions chez l’« édenté ». C’était un personnage du village qu’on aimait bien retrouver. Nous avons eu une vie joyeuse avec Benoît sur ce film. Et je suis tombé amoureux de cette région de la Drôme provençale où nous tournions. J’avais loué une maison où je faisais mes émissions de radio sur la terrasse le matin avant de tourner. Ce sont des souvenirs très heureux.

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