Plus de 4 ans de tournage pour le documentaire « Océans »

Image extraite du film Océans.
© 2011 Pathé Distribution

Le réalisateur Jacques Cluzaud et le producteur Nicolas Mauvernay racontent des détails du tournage du documentaire Océans.

Jacques Cluzaud – Réalisateur 

Pour tenter de raconter l’histoire des océans, nous avons cherché à ouvrir d’autres portes que celles des statistiques : celles d’un conte fantastique et magique, des merveilles du petit monde du récif corallien, de l’héroïsme des dauphins en pleine charge, des danses gracieuses des baleines à bosse et des seiches géantes, de l’horreur des agressions faites aux océans et à leurs créatures, de l’incroyable spectacle de la mer déchaînée dans une tempête titanesque, du silence d’un muséum des espèces disparues… Le film n’allait pas chercher à expliquer des comportements, ne donnerait pas d’informations sur les espèces, ne chercherait pas à enseigner… mais à faire ressentir. 50 ans après LE MONDE DU SILENCE du Commandant Cousteau, des centaines de cinéastes, de toutes nationalités, ont réalisé d’incroyables documentaires sur la plupart des espèces marines.

Nous somme partie dans toutes les directions possibles pour trouver du nouveau. Le mouvement bien sûr, comme pour LE PEUPLE MIGRATEUR en accompagnant les espèces marines dans la dynamique de leurs déplacements. Mais aussi la recherche d’une nouvelle façon d’éclairer dans l’obscurité ou dans la nuit des océans. Et avant tout, l’indispensable contact avec l’animal filmé jusqu’à obtenir les plans qui transformeront le sujet en personnage. Une chose rare et très particulière avec Jacques Perrin est que rien ne s’élabore avec une quelconque notion de limite, à commencer par celle du temps. En tournage, le temps est notre allié le plus précieux : il est indispensable pour filmer les images qui permettront de monter une séquence aussi riche et dynamique qu’on le ferait dans le cadre d’une fiction alors que la nature n’est ni contrôlable ni tout à fait prévisible. Le temps nous permet de recommencer encore et encore, quelle que soit la difficulté de l’entreprise. 

Réaliser un film comme Océans implique une recherche permanente et je crois que c’est cette envie de chercher dans des directions nouvelles qui caractérise le mieux tous ceux qui ont accompagné le film jusqu’au bout. Car que demande finalement Jacques Perrin à ceux qui ont la chance de travailler avec lui si ce n’est d’aller au bout de leurs rêves, puisque le sien est infini…

Comme pour LE PEUPLE MIGRATEUR, deux familles de cinéastes se sont réunies ; des spécialistes du monde animalier aux cotés d’autres issus de la fiction pour qu’Océans, au-delà du documentaire, devienne tout simplement un film de cinéma. Quatre années de tournage nous ont menés en des lieux bien particuliers de notre planète que l’on pourrait classer en deux grandes catégories : ceux où la vie semble s’exprimer telle qu’elle le fit pendant des milliers, voire des millions d’années et ceux où manifestement l’ordre de la nature a sérieusement changé. La mer d’abondance que nous cherchions n’existe plus dans les endroits mis à mal par les activités des hommes : surpêche, pollution, côtes bétonnées… Comme une poignée de confettis jetés sur la planète, il reste ça et là des sanctuaires ; des espaces protégés où la vie s’exprime, ou bien renaît, avec ténacité et vigueur.

Aux îles Cocos, au large du Costa Rica, il suffit de mettre la tête sous l’eau pour voir s’affairer poissons de toutes espèces, requins en tous genres, raies de toutes tailles et autres tortues et mammifères marins. Au nord de l’Arctique, sur la petite île de Coburg, où même nos guides Inuits n’avaient jamais posé les pieds, phoques, morses et ours polaires sont encore seuls chez eux. À l’extrême ouest des Galápagos, sur la pointe de l’île Fernandina qui ne voit guère plus d’un scientifique tous les vingt ans, les aigles, au milieu des iguanes marins, des otaries et des cormorans, sont venus se poser sans crainte à quelques mètres de nous, pour observer ces curieux bipèdes que nous sommes. C’est principalement sur ces petits endroits du monde qu’ont été tournées les images du film Océans… avec l’espoir qu’il ne s’agisse pas là du reflet d’une diversité révolue mais d’une vie tenace, toujours renaissante, sauvage et libre.

Image extraite du film Océans.
© 2011 Pathé Distribution

Nicolas Mauvernay – Producteur

À mes débuts, des producteurs expérimentés m’avaient prodigué quelques conseils bienveillants : “dans le cinéma, pour éviter une catastrophe, il y a trois choses à éviter : les enfants, les animaux et la mer”. Avec Galatée, j’allais être servi ! Océans étaient de ceux-là… Les producteurs sont souvent considérés comme des hommes de chiffres, de budgets et de financements. Depuis dix ans que nous produisons des films ensemble, Jacques Perrin m’a appris à ne pas rester un homme de chiffres. Pour Océans plus que pour aucun autre film, cet apprentissage me fût précieux !

Comment réduire une aventure de production hors normes comme celle des Océans à quelques chiffres ? À quoi bon tenter d’enfermer dans un schéma prédéfini les tempêtes que nous étions décidés à aller chercher aux quatre coins du monde ? D’emblée, nous étions convaincus qu’il fallait produire autrement. Jouer des contraintes inhérentes à la production d’un film pour convaincre chacun de nos partenaires d’accompagner cette aventure, parfois contre vents et marées, découvrant jour après jour les détours et les nouveaux défis auxquels l’équipage allait être confronté pour mener le film à bon port. 

Au gré des flots et des impromptus de la mer, nous nous sommes tous résolus à suivre notre capitaine qui pointait à l’horizon un cap après l’autre. Tous, nous avons accepté de prendre le large vers l’inconnu, convaincus que ce film puiserait ses forces non pas dans une marche forcée mais dans une quête qui nous mènerait vers une révélation, un regard et une écoute renouvelés de ce monde que nous savions mystérieux. Les créatures de la mer, les embruns, le vent, les rochers, tous sont devenus des personnages familiers. Alors que la terre est en vue, la liste est trop longue de ceux qu’il faut remercier d’avoir accepté de devenir bien plus que des partenaires, des navigateurs attentifs ! La suite ne nous appartient plus. Souhaitons simplement que ce monde soit suffisamment préservé pour que d’autres équipages continuent à prendre la mer et puissent à leur tour être émerveillés comme nous l’avons été.

Cet article pourrait vous plaire :

Partager l’article

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *