De la télévision au documentaire pour finir par la fiction, l’incroyable parcours du réalisateur Nicolas Vanier

Image extraite du film L'École Buissonnière.
© 2017 Radar Films / France 2 Cinéma / Studio Canal

Le réalisateur et grand amoureux de la nature Nicolas Vanier, nous précise son choix de tourner son film, L’École buissonnière, exclusivement en Sologne.

Pour comprendre Nicolas Vanier, il est nécessaire de remonter à vos origines. Et même si vous êtes né au Sénégal, c’est la Sologne qui apparaît comme votre terre natale…

Je n’ai en effet passé que quelques jours au Sénégal où mon père faisait son service militaire. Qui sait ? Ai-je eu un coup de chaud qui m’a poussé à préférer les grands froids mais c’est la Sologne qui a fait ce que je suis : un amoureux de la nature et de la vie sauvage…

Et des grands espaces aussi finalement puisque cette région en regorge…

Je rends effectivement hommage à cette féerique région sauvage dans L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE comme je l’avais fait dans LE DERNIER TRAPPEUR pour les montagnes rocheuses du Canada, la Sibérie pour LOUP ou la montagne pour BELLE ET SÉBASTIEN. Il était naturel que je revienne chez moi pour ce film, sur ce territoire que j’aime et où j’ai développé, dans les pas de mon grand-père, mon goût pour la nature et ma connaissance de la forêt et des animaux.

Mais dans vos films, la nature ne peut aller sans l’humain…

Je trouve qu’il n’y a rien de plus triste qu’un territoire déserté par les hommes. Une nature sans hommes est pour moi une nature vide, triste. Je l’ai d’ailleurs encore observé il y a quelques mois lorsque j’ai traversé le Canada. J’y ai vu nombres d’endroits, de villages, autrefois peuplés par les trappeurs et les indiens qui sont aujourd’hui des ruines, déserts.

Est-ce que le petit Paul de « L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE » ressemble au Nicolas que vous étiez ?

Même si je ne suis pas un enfant de la ville, même si je suis né avec des bottes aux pieds et une canne à pêche à la main, il y a de mes souvenirs d’enfance dans l’émerveillement de Paul quand il découvre la nature et ces hommes qui peuplent la Sologne. Ils sont parfois un peu rudes mais on a vite fait de découvrir qu’ils sont généreux. Plus généralement, mes sources d’inspiration sont multiples. Elles viennent du roman que j’ai écrit sur la Sologne, Le grand brame, mais aussi de l’œuvre de Maurice Genevoix (Raboliot, La dernière harde) ou encore d’Alain Fournier avec son magnifique Grand meaulnes.

Vous aviez ce projet dans la tête depuis longtemps ?

Oui, mais de manière inconsciente. L’écriture du Grand brame a été un détonateur. Après, il s’agissait aussi d’être disponible, un film en entraînant souvent un autre. J’avais en tout cas cette envie de revenir à la maison. Cela s’est fait de façon naturelle et progressive.

Pourquoi ce choix des années 30 ?

C’est un choix tout d’abord esthétique. Je recherchais ce mariage parfait entre les couleurs, les textures et la nature, à une époque que l’on pouvait qualifier de flamboyante en Sologne. Je préfère nettement l’allure des chasseurs de l’époque à celle d’aujourd’hui avec leurs vêtements high tech et fluo ! Et ne parlons pas des comportements de nombre d’entre eux qui n’ont rien à voir avec ceux dont je parle dans le film : des hommes qui connaissent et respectent la nature.

Comment avez-vous choisi les lieux de tournage ?

La Sologne offrait de nombreuses possibilités mais il s’agissait aussi de respecter le temps du récit. Pour prendre l’exemple de la place du marché que l’on voit dans le film, nous avons recherché en vain des villages qui n’avaient pas trop été dénaturés. Ce qui a été difficile. Nous avons donc décidé d’en reconstituer un dans un hameau abandonné puis restauré par un passionné… Pour le reste, nous avons tourné dans des décors existants, des écoles et, bien sûr, le château du film. De plus, les figurants sont tous des solognots. Nous avons lancé des appels dans différentes mairies et le retour a été enthousiaste. Il y avait des files d’attente de plusieurs heures pour s’inscrire !

Qu’est-ce qui est le plus difficile finalement ? Tourner avec des acteurs connus, des enfants ou des animaux ?

Dans le cinéma, on dit souvent que le plus difficile est de tourner avec des animaux, avec des enfants ou encore en extérieur. Nous avons cumulé les trois ! Cela peut en repousser certains mais c’est ce qui me passionne. Quand un animal rechigne à faire le mouvement attendu, je ne perds jamais patience. Je cherche juste à trouver le moyen de lui faire faire ce dont nous avons besoin. Travailler avec des dresseurs et des animaux est un défi auquel je suis rompu. Mais c’est avant tout un travail d’équipe. C’est essentiel. J’ai une grande confiance envers les gens qui travaillent avec moi, chef opérateur, premier assistant, chef déco, costumes… J’ai fait beaucoup de films avec eux, nous avons connu des drames et des tournages extrêmes. La confiance que je leur accorde m’a permis de me concentrer sur la direction d’acteurs.

L’un des thèmes de « L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE », c’est aussi le retour à certaines valeurs perdues…

Si ce film peut convaincre les plus jeunes de quitter un peu leurs jeux vidéo pour aller à la pêche, ce sera une bonne chose ! La nature permet la transmission de valeurs qui passaient jadis par l’apprentissage de ces pratiques. Il y avait une sorte de passage de flambeau entre générations qu’on ne connaît plus aujourd’hui. Lorsque nous avons tourné la scène du marché dans ce décor reconstitué en place de village, beaucoup de figurants locaux sont venus me voir en me disant : « Mon dieu, c’était un moment de dialogue, de partage pendant des heures alors qu’aujourd’hui, on va pousser son caddie dans un supermarché. » Je ne suis pas rétrograde pour un sou mais je trouve l’époque actuelle sidérante. Le temps s’est accéléré comme jamais ces 50 dernières années. Je pense qu’il faut désormais réfléchir à une société plus humaine ; remettre certaines valeurs au goût du jour en les modernisant et en les adaptant. Le monde tel qu’il est aujourd’hui n’est plus vivable, ne serait-ce que pour les questions environnementales. Nous consommons plus que ce que la terre produit et nous émettons plus de gaz carbonique que ce que la terre est capable d’absorber. Nous sommes donc en faillite et nous devons changer de cap. Je suis heureux que ces thèmes commencent à interpeller le public. « L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE » est une fiction qui n’a pas la prétention de changer les choses ou de porter un message. Mais c’est ma façon de susciter un débat.

Quel a été le déclic qui vous a poussé de l’aventure au cinéma ?

C’est vraiment une suite logique. J’ai toujours filmé mes expéditions et j’ai rapidement compris que le grand écran était plus à même de magnifier la puissance des images. C’est ce que j’ai fait avec « LE DERNIER TRAPPEUR« , après avoir beaucoup travaillé sur des documentaires pour la télévision. Puis le succès du film m’a permis de continuer, moi qui ne connaissais personne dans le monde du cinéma. Sans ce succès, je n’aurais sûrement pas eu de seconde chance. Puis le second glissement s’est opéré avec mon envie de mettre en scène et de diriger des acteurs. En tant qu’auteur, j’avais déjà connu ce cheminement, passant progressivement des récits d’aventures à la fiction pure, avec succès. D’ailleurs, lorsque j’ai publié Le chant du Grand Nord, j’ai ressenti d’un coup une incroyable liberté. Je pouvais enfin créer mes propres personnages, m’évader, moi qui devenais à cette époque, un peu prisonnier de mes propres histoires

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