« Champions » : un long métrage autour de l’inclusion sociale

Image extraite du film "Champions"
© Samantha Lopez Speranza

Sorti en 2008, Champions est un long métrage qui prône l’inclusion sociale et la diversité. Son réalisateur, Javier Fesser (Agents Super Zero), se livre dans un entretien instructif. Rencontre.

D’où vous est venue cette histoire ?

C’est l’histoire qui est venue à moi plutôt que l’inverse. J’ai lu le scénario original et je suis tombé amoureux des personnages. C’est surtout parce que je voulais voir ce film dont le sujet me touchait profondément que j’ai eu envie de le réaliser. Tous les personnages ont une telle capacité à provoquer l’émotion et le rire que je ne voyais pas de meilleure manière de toucher le public que de le faire rire tout en l’émouvant. Et si en plus les spectateurs rentrent chez eux le cœur serré… Je crois de plus en plus à la force des personnages autant qu’à celle de l’histoire, c’est pour cette raison que cela m’a fasciné d’approfondir chacun d’entre eux et de mettre en avant leurs différences et leurs particularités.

En 2000, lors des Jeux paralympiques de Sydney, l’équipe de basket espagnole de sport adapté* a été condamnée pour avoir fait jouer des faux déficients intellectuels. Connaissiez-vous cette histoire ?

Bien sûr. C’est d’ailleurs sûrement une des raisons qui m’a poussé à tourner ce film. Cette histoire m’a beaucoup marqué et j’y ai tout de suite pensé quand j’ai reçu le scénario de Champions. Cela a renforcé ma décision de ne faire le film que s’il était authentique, donc tourné intégralement avec des acteurs réellement handicapés, et non avec des acteurs qui jouent le handicap.

Ce film essaye de “normaliser” des situations injustes dont nous ne sommes pas toujours conscients…

Des choses se passent dans notre société par méconnaissance, ignorance ou par peur. Et une des grandes injustices provoquées par l’ignorance est le mauvais traitement infligé à certaines personnes par peur de leur différence. Je pense que ce film donne des pistes pour savoir comment se comporter avec des gens différents.

Vous n’aviez pas peur de travailler avec une équipe composée en majorité par des personnes dont c’était la première expérience en tant qu’acteur ?

C’était en fait un des aspects les plus imprévisibles du projet : pouvoir compter sur des personnes avec des handicaps mentaux qui, en plus de cela, n’avaient jamais mis les pieds sur un tournage. Compter sur des acteurs novices pour jouer ses personnages principaux, ce

n’est jamais facile. D’autant qu’ils sont tous réunis dans la plupart des scènes. Mais en aucun cas cela n’a été plus compliqué en raison de leur handicap. Au contraire. Cela a été un avantage de voir leur enthousiasme à sentir que c’était « leur film ». Je n’en reviens pas de l’aisance avec laquelle ils se sont adaptés au tournage.

Comment s’est déroulée la sélection des comédiens ?

Nous avons reçu le soutien de nombreuses associations qui nous ont aidés à présélectionner 500 candidats, avec qui nous avons fait des auditions. Une équipe s’est déplacée et a réalisé des essais vidéo en suivant une méthode de casting très simple. Il était compliqué de sélectionner des personnes qui puissent quitter leur domicile pendant 4 mois de tournage, en raison de leurs handicaps respectifs. Sur 500 personnes ayant participé au casting, j’en ai rappelé quelques-unes afin d’apprendre à les connaître en premier lieu, mais aussi dans le but d’affiner les dialogues grâce à mes conversations avec eux. Cette méthode nous a donné une approche unique qui a enrichi l’histoire.

Javier Gutiérrez apporte beaucoup d’authenticité…

Et ce n’est pas un hasard si on se le dispute à ce point entre réalisateurs en Espagne. J’avais travaillé avec lui deux ans auparavant pour un court métrage. Je lui avais déjà parlé du projet. Et j’avais dû être convaincant, car il est tombé amoureux de Champions et il m’a dit qu’en aucun cas il n’abandonnerait le projet. Sa collaboration a été fondamentale, d’un point de vue professionnel comme d’un point de vue personnel.

D’autres auraient fui l’humour, à l’inverse vous avez décidé de l’exploiter. Vous a-t-il fallu être précautionneux ?

J’étais sidéré par chaque prise, tellement en admiration devant ces personnes, capables de provoquer tant d’émotions, de projeter autant de sincérité et d’être si authentiques. Nous aimerions tous être ainsi, mais je ne sais ce qui fait que l’on s’obstine à dissimuler qui nous sommes profondément. Cette tendresse à leur égard m’a épargné toute maladresse.

Comment vous y êtes-vous pris pour tourner les scènes de match ?

J’avais beaucoup réfléchi et préparé ces scènes. Mais je n’aurais jamais cru que ces scènes me poseraient autant de problèmes au tournage et au montage. Une fois finies, la magie du cinéma opère, et tout semble réel.

*Le « sport adapté » est pratiqué par les personnes atteintes de déficience intellectuelle, tandis que le « handisport » est dédié aux personnes atteintes de handicaps moteurs et sensoriels.

Le Pacte, Florence Narozny

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